petites morts sans importance
&
poésie de supermarché

 

 

code-barres

 

 

Bien au delà des "T'es actif ? Passif ? Mensurations ? Ta chanson préférée sur le dernier album de Rihanna ?"  (dernière interrogation qui en dévoile assez sur les attentes du demandeur et ses inquiétudes humanistes face à la crise migratoire, les conséquences de la pollution sur l'effet de serre ou toute autre préoccupation existentialiste), "Tu cherches quoi ?" est la question insipide par excellence.

Passé le moment difficile de ce premier contact comparable à l'administration d'un suppositoire avec l'emballage, [aparté : peu de personnes savent correctement utiliser le suppositoire et s'acharnent à l'introduire pointe vers le haut alors que dans l'autre sens, l'ampoule rectale épouse parfaitement la forme ovoïdale du médicament, pour les moins dilatés d'entre nous, et permet une remontée spectaculaire sans retour fâcheux dans le sous-vêtement. Cette erreur d'administration me valut mes premières sodomies par ma mère, inculte, qui m'insultait en réintroduisant le suppositoire récalcitrant que j'éjectais aussitôt], un échange productif peut alors s'engager.

Il sera nourri de banalités indigestes suivies d'analités régressives que l'on retrouve dans l'usage d'un français involuant vers le stade du protozoaire ("koi2bo... TKnon... LREM..."), masquant ainsi une orthographe défaillante et une culture générale rare (ex. : "je pars en vacances en Nouvelle Cannelloni", ou d'un pauvre post-adolescent à qui je disais avoir une vie sexuelle en autarcie, "l'autarcie, c'est un village à coté de Sitges ?").

Mais on ne saurait reprocher aux plus jeunes une finition incomplète de leur activité neuronale que le temps se chargera de combler grâce aux expériences de la vie ou, à défaut, avec quelques centimètres généreusement mis à disposition par leurs aînés, généralement de vieilles choses insalubres qui mentent sur leur âge, démasquées par la présence dans leur profil de photos argentiques et qui se comportent avec la chair tendre à l'instar de morts-vivants, œil vitreux, bave rabique et dialectique gutturale comprises.

Une fois dévoilée la danse des paons, vaste mascarade d'un jeu de la séduction qui se limite à exhiber aussi fièrement que pathétiquement son phallus ou ses biceps dans une frénésie sexuelle compulsive addictive, que reste t'il ? Pour la grande majorité, ceux qui désiraient simplement sortir de l'isolement, de l'amertume, un peu de colère et autant de solitude. Et pire que tout, un fatalisme qui finira par les convaincre qu'être gay ne serait que cela, au point d'adopter ce schéma et ses codes jusqu'à les reproduire, contribuant ainsi au marasme relationnel dont ils ont été les victimes.

Les minitels, boites vocales et dials d'hier ont laissé leur place aux applications mobiles qui ont parachevé l'industrialisation de la rencontre gay à distance. Ces nouveaux supports, plus abordables, font de l'espace-temps un immense bordel où, gratuitement, tous les coups, de rein et de pute, sont permis. Utiles comme un rite vers l'émancipation de son identité sexuelle et tout à la fois destructeurs de cette même identité car basés sur des stratégies purement mercantiles, individualistes et d'immédiateté qui font de l'Autre, être d'une complexité unique dont l'évolution est liée à l'interaction sociale, un banal produit de consommation.