petites morts sans importance
&
poésie de supermarché

 

 

des grains de sable

 

 

Je l'avais aimé, je crois. Au delà de tous ces méchants mots, ces critiques humiliantes utiles au travail qui suit la séparation et qui ne furent que la projection de nos propres vexations, il y eut de l'amour entre nous. Bien sûr, pas cet amour que le temps et le détachement ont quelque peu sublimé et que nous évoquons aujourd'hui comme un idéal. Probablement alors, manquions-nous de maturité, de la distance nécessaire pour ne pas reprocher à l'autre nos exigences qui ne signaient que le frein à s'engager plus en avant, la peur d'une possible pérennité dans la relation. Nous étions jeunes et l'avenir pour horizon nous semblait, paradoxalement, plus rassurant. C'est ainsi qu'il nous a fallu poursuivre nos chemins dans des directions distinctes qui nous importaient finalement peu, l'essentiel restant d'assouvir ce besoin vital de mouvement. Mais de ces rencontres de hasard qui ont jalonné nos routes, combien portent encore un prénom, une odeur, un goût identifiés. Leur point commun ne fut que cette absence familière, la mémoire d'une peau qui reçut son premier baiser et s'en est tatouée à la douceur sucrée de ses lèvres. Je pense parfois à lui, à cette mauvaise personne que j'ai été, ces choix qui n'en furent pas sans les regretter, le chemin parcouru loin de tout ce que nous ne serons jamais. Alors, je ferme les yeux et je perçois une lumière de mon enfance, le souffle chaud du vent, les embruns de la mer, quelques grains de sable et je souris. Je l'avais aimé, je crois.