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petites morts sans importance & poésie de supermarché
just like that
Quelques jours plus tôt, le
doigt pointé sur la carte, Antoine m'avait murmuré à l'oreille :
- "C'est là que je veux aller".
Dans un premier temps, je n'avais pas prêté attention à sa demande.
Puis, il me l'avait reformulée avec une insistance croissante et j'avais
fini par céder. Il ne s'était jamais montré capricieux par le passé et
je ne voulais pas le contrarier.
Nous avons réservé des billets de train, en première classe, car il voulait le meilleur
confort possible. Quand je lui avais demandé pourquoi n'avoir pas choisi
l'avion, il m'avait répondu :
- "Le temps ne sera pas perdu, fais-moi confiance".
Nous étions dans le wagon et je souriais un peu bêtement en regardant
défiler le paysage comme le film de nos vies en accéléré. Lui qui, durant notre
relation, avait fait preuve d'une discrétion à toute épreuve, voilà
qu'il se retrouvait, en public, collé tout contre moi.
Antoine et moi nous étions rencontrés dix-neuf années plus tôt, au
hasard d'une banale soirée d'amis communs. Ce ne fut pas un coup de
foudre, mais une suite de choix raisonnés qui fit naître notre relation.
L'amour ne vint que beaucoup plus tard, quand pour d'autres couples il
est habituellement remplacé par l'habitude. Au final, malgré tout ce
temps partagé, nous ne savions que peu de choses sur l'autre. La
quiétude de nos rapports nous suffisait. Nous pratiquions rarement le
sexe car nous n'y croyions pas : à chaque fois cela se terminait par un
grand éclat de rire comme si nous venions de faire une bêtise ou comme
si l'absurdité de la chose se révélait soudainement à nos yeux. Bien
sûr, cela nous rendait un peu tristes mais nous avions décidé de nous en
moquer car nous savions que nous ne pourrions pas changer cet aspect de
notre relation. Je me contentais de mes fantasmes et Antoine de ses
amants.
Sitôt sortis de la gare, nous sommes directement partis sur la plage.
Surpris par le vent frais qui balayait les dunes, j'ai serré Antoine
contre moi. Nous sommes restés là, gardant le silence un long moment,
face à l'océan. Plus loin, un papa jouait avec son enfant, accompagnant
le flux et le reflux des vagues qui tentaient de lécher leurs pieds.
Puis j'ai récité mon discours calmement. Sans tristesse, ni fatalité,
j'ai dit les mots, surpris moi-même par mon monologue quand c'est dans
le silence que nous communiquions le mieux. Quand j'ai eu fini, le jour
déclinait, le papa et son enfant n'étaient plus que deux points
lointains.
Alors, j'ai ouvert l'urne et je l'ai retournée. Il y a eu un coup de
vent. Et Antoine est parti.
Juste comme ça.
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