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petites morts sans importance & poésie de supermarché
la Belle et la Bête,
chapitre dernier
Nous nous
sommes enfoncés dans les bois, nous éloignant, à chaque foulée, un peu plus
du château. Ce n’est qu’une fois certain que je ne pourrais retrouver le
chemin jusqu’à sa demeure que la Bête se posa enfin :
- C’est ainsi la Bête, que cela
doit se terminer ?
- C’est ainsi la Belle, oui.
- Tant de précipitation, cela tranche avec ta quiétude apparente de ces
derniers mois, tu avais donc tant hâte d’en finir.
- Non, je n’avais pas hâte, il est temps tout simplement.
- J’entends bien la Bête, mais parfois, les choses simples sont un peu
compliquées.
- Non. Il est des évidences qu’il faut accepter pour aller de l’avant.
- Aller de l’avant, c’est me perdre ici ?
- Nous nous sommes perdus depuis longtemps, la Belle.
- Avec toi, je ne me suis jamais senti perdu mais peut-être, me suis-je égaré
dans de douces illusions. M’as-tu seulement aimé ?
- Il est des discussions vaines et certaines questions qui n’appellent
aucune réponse. La Belle, je suis la Bête, tu ne pouvais t’attendre à plus
de moi.
- Je le sais. Mais j’ignorais que tu étais resté fidèle à ce maitre que tu
eus, jadis.
- Je ne souhaite pas aborder le sujet, cela est bien compliqué.
- Parfois, aussi, les choses compliquées sont plus
simples qu’il n’y parait. Je t’aimais la Bête.
- J’aurais voulu moi aussi, j’ai essayé.
- Le sentiment n’est pas un habit d’apparat que l’on choisit en vitrine. Il
ne s’essaye pas, il s’impose. Il fait partie de ces évidences qu’il faut
accepter pour aller de l’avant.
- C’est pourquoi il te faudra me détester, maintenant.
- Comme je t’ai adoré, je creuserai l’abîme à la hauteur de ce ciel que tu
m’as fait toucher. Mais je ne saurais te détester. C’est mon amour que je
mettrai en terre, non toi.
- Alors, tu ne guériras jamais. Tu me porteras en plaie toute ta vie.
- La Bête, je suis la Belle, tu ne pouvais t’attendre à moins de moi. Toutes
les plaies finissent par se refermer et il est des cicatrices que l'on porte
comme un sourire.
- Alors, c’est ainsi que cela se termine, par un sourire.
- C’est ainsi la Bête, oui.
Nous nous sommes séparés, après l’étreinte affectueuse que l’on réserve à
celui qui se meurt. Je me suis retourné pour le voir disparaître en
direction de son château. C'est dans mon dos qu'il m’avait embrassé la
première fois, et c'est dans son dos que je lui adressai mon dernier baiser.
Puis, j’ai marché jusqu’à l’orée du bois mais sans la traverser, observant
le monde duquel m’avait extrait la Bête. Un monde que les mois passés auprès
de Lui avaient rendu étranger. Je suis resté à la lisière. Pas par choix,
mais comme une évidence qu’il faut accepter pour aller de l’avant.
Et c’est ainsi que la Belle devint, elle aussi, une Bête.
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