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petites morts sans importance & poésie de supermarché
la chambre d'à côté
Je me doute que je n’ai pas été le premier à qui tu as fait cette demande. Cela faisait longtemps que nous n’étions plus en contact. Notre amitié est d’ailleurs, d’une autre époque. Plus simple et plus naïve ou innocente. Elle n’est pas meilleure ou moins bonne qu’une autre, elle est juste débarrassée du superflu. En ce sens, je suis certain de ne pas avoir été un choix par défaut.
J’ai accepté sans plus de raisons que je n’en avais de refuser. Cela m’a paru logique. Comme une réponse mathématique à une équation relativement simple. Je pense que c’est cet aspect de ma personnalité qui t’a guidé vers moi. Mon approche cartésienne, une appréhension des choses et des gens à distance d’affects envahissants. Peut-être aussi mon acceptation face à l’inconnu, cette seconde d’après dont nous ne savons rien.
Depuis la chambre d’à côté, je t’entends respirer. Tu as demandé ma présence lorsque cela arriverait. « Cela », ce n’est pas une cassure ou une rupture. Ni un arrêt. C’est la suite. Un continuum dans lequel passé et avenir construisent le présent. J’entends ta respiration mais je ne l’écoute pas. Elle ne m’appartient pas et je n’ai aucun pouvoir sur elle. Tu sais mon refus de la posture de l’attente et je comprends alors mieux ton choix de m’avoir tout près. Je suis sur le quai d’une gare mais sans train à prendre. Je n’ai pas à me soucier d’un retard, de savoir qui s’assiéra en face de moi. Je suis là tout simplement. Comme la preuve que tu as été. Que tu es. Et que tu seras.
Tu ne dis rien d’inutile. Tu parles directement depuis l’intérieur. Sans filtre. Ton essentiel, ta vérité. Il n’y a pas de colère, pas d’amertume, aucune dureté. Juste l’expression de ta pensée brute. Mais si douce à la fois. Une suite de faits qui n’appellent à aucun débat, aucune angoisse. Le regret ou la culpabilité n’ont plus de place. Nous sommes là sans regarder hier, ni rêver demain. Sans le craindre non plus.
Depuis les grandes baies vitrées de nos chambres, nous contemplons la forêt immense, sombre et joyeuse du chant des oiseaux. La cime de ses arbres, balayée par un vent léger, ondule comme la surface de l’océan. Une respiration.


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