petites morts sans importance
&
poésie de supermarché

 

 

les barbus

 

 

Il est entré dans la pièce complètement dévêtu, en a fait le tour comme le ferait le maitre des lieux puis, est venu s'assoir sur le fauteuil juste en face de moi. Il m'a souri poliment. Enfin, d'un mouvement de la tête, il m'a signifié que nous pouvions commencer. Les secondes qui ont suivi m'ont paru une éternité et je me suis tout à coup retrouvé sur l'estrade, au tableau devant mes camarades, attendant que l'instituteur me questionne sur une leçon que je n'avais jamais apprise. J'inspire. J'expire. Je me concentre sur ma main gauche, celle qui ne trahit rien de moi. Il est là devant moi mais je peine à le regarder droit dans les yeux. On dit que la confession est plus aisée assis côte-à-côte mais peut-être souhaite-je garder pour moi seul mes péchés. Alors j'observe, l'air faussement imprégné de maîtrise, tout autour de lui, le temps de gagner un peu de temps juste avant d'en perdre complètement le contrôle. Ce n'est plus qu'une question de secondes avant que je ne retombe lourdement sur le sol. Mais, retardant le clignement de paupières, j'exécute un dernier salto arrière et je me plais à croire qu'à nouveau je m'envole. Quand soudain je me rends compte qu'il n'est pas entièrement nu. Car il est barbu. Alors, il avance à bruit bas, le pas calé sur les battements de mon cœur un peu malade. Rien ne sert de tendre l'oreille, lui est de ces cris que l'on n'entend pas.