petites morts sans importance
les fleurs, les poulpes et la caisse à outils
Il avait l’air fin, il y a dix minutes seulement, remontant l’avenue Borriglione,
au milieu des travaux du tramway, son bouquet de fleurs à la main, grimaçant à chaque foulée
comme si une douleur sournoise le tiraillait dans sa lente progression. C'est une vieille et fidèle
amie dont il justifie l'existence par une opération imaginaire gravissime et qui revient à sa mémoire
dès lors qu’il se retrouve face à la foule, de préférence sur une plage, en maillot de bain, quand,
au bord de l’hypothermie il se décide enfin à sortir de l’eau et à traverser la colonie
de pingouins qui, il en reste persuadé, le scrute et se moque de ses dysmorphies, tout en
s’émerveillant qu’il puisse encore tenir debout. La semaine dernière, il a dû préparer une
vingtaine de petits poulpes oubliés par ses parents dans le réfrigérateur : ils étaient là,
trempant dans l’évier, quelques quarante petits yeux morts le fixant sadiquement. Il a boité
durant deux jours.
|