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petites morts sans importance & poésie de supermarché
les histoires d'eau
Sur le plan sentimental, j'ai longtemps cru qu'il était le
chaînon manquant entre la palourde et l'espèce humaine mais, à l'usage, il s'avéra qu'il élevait
le mollusque au rang de poète romantique. Son hydrocéphalie, concernant les choses de l'amour,
n'était pas le seul trait qui le ramenait à l'élément liquide : nu, de dos, il présentait toutes les
caractéristiques de l'hippopotame. Et je l'aimais ainsi. Et encore plus dans le silence, quand pour
toute réponse à un questionnement sur notre relation, il émettait le son inaudible du poisson dans son aquarium. Nous ne communiquions que la nuit, quand nos esprits fâchés oubliaient
les querelles vaines et que nos corps alors libérés s'emboîtaient dans un jeu de Lego qui refaisait de nous
les enfants qui s'étaient plu, quelques années auparavant. Puis l'aube nous séparait et nous nous tournions,
encore somnolents, chacun de son côté, nous préparant à l'affrontement. Afin de retarder cet instant inéluctable
que signait le premier regard échangé, nous nous gardions de nous croiser par un savant parcours
de l'évitement. Mais, par habitude et probablement aussi parce que nous ne savions nous dire ailleurs
et autrement cet amour malheureux que nous nous portions, il fallait lâcher les mots sales, la
ciguë de nos larmes trop longtemps retenues. Sans le savoir, nous étions suspendus à chaque extrémité
d'une même corde s'effilochant au dessus du vide, avec la peur de voir l'un précipiter l'autre dans
la
chute, oubliant que nous tomberions de la même manière si le lien venait à se briser. Nous attendions
ce jour qui nous verrait plonger dans l'océan. Nous l'espérions. Nous le redoutions. C'était il y a
longtemps maintenant, dans une autre vie Quand parfois il me manque, je vais m'asseoir face à la mer,
cette inconnue familière qui m'a rejeté sur le rivage après la longue tempête dans laquelle il s'est noyé.
J'observe et je crois voir au loin son bras s'agitant à la surface, sans savoir s'il se débat encore ou si,
simplement, il me salue, en guise d'au revoir. Alors, je pleure, raisonnablement, sans tristesse, apaisé de
cette eau qui coule sur mes joues, comme la preuve que nous avons été un jour. Si j'accepte de me souvenir.
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