petites morts sans importance
&
poésie de supermarché

 

 

les mensonges

 

 

Il n'y a pas d'amour entre nous, juste une case vide, un espace orphelin à combler de temps à autre quand ta douleur devient trop forte. Alors, tu me téléphones, tu me proposes un rendez-vous dans un lieu neutre, sans promesse aucune de ce qu'il adviendra de cette rencontre. J'accepte le contrat. Mais avant de te rejoindre, je débroussaille mon pubis, je prends une douche, j'enfile une chemise qui te plaira et je prépare un sac qui contient un nécessaire de toilette et un sous-vêtement de rechange. Au lieu-dit, tu arrives en retard. Pas de bises, pas de mains serrées. Tu es tendu. Chacun de mes mots te contrarie, me vaut une grimace. Je suis comme devant un mur d'escalade dont je cherche la première prise. Après plusieurs tentatives vaines, tu fais mine de t'intéresser à moi, tu me questionnes. Mais aucune de tes interrogations ne me concerne vraiment, tu n'écoutes pas les réponses. C'est l'image que je me fais de toi qui te préoccupe, l'idée que tu pourrais passer pour une mauvaise personne t'est insupportable. Invariablement, tout nous ramène à toi, à cette victime que tu es devenue et dont le schéma relationnel se limite à séduire ceux qui ne te désirent pas et à fuir ceux qui s’intéressent à toi. Tu ressembles à un petit garçon, malheureux d'avoir été trop gâté et que plus rien ne saurait combler.
Quelques accrochages polis et deux verres de vin plus tard, l'expression de ton visage s'est adoucie, tu souris même. Maintenant que je t'ai dit que je ne t'aime pas et que je n'attends rien de ta part, l'échange est plus facile. A plusieurs reprises, je fais mine de regarder d'autres hommes avec assez d'insistance pour que tu le remarques. J'évoque d'éventuels prétendants auxquels je finirai bientôt par céder. Très vite, ta jambe entre en contact avec la mienne et nos sujets d'échange deviennent légers, grivois, sexuels. Nos mains tâtonnent sous la table et apprécient le renflement de l'autre, sous sa ceinture. Nous nous levons. Je règle l’addition et sans rien dire, nous nous dirigeons vers ton appartement, tête baissée, nos épaules se cognant à chaque foulée. A l'intérieur, je me lave les dents pendant que tu prends un dernier verre. Tu vas te doucher. Je me déshabille. Je plie mes affaires que je dépose à l'entrée et je monte à l'étage où se trouve ta chambre. Depuis la salle de bains, tu t'excuses pour le désordre et la saleté. Je souris en me glissant dans le lit frais dont tu as changé les draps, avec préméditation, juste avant de m'appeler. Je me demande pourquoi j'ai accepté ton invitation, pourquoi je cède encore une fois puisque je ne t'aime pas et que je n'attends rien de ta part. Enfin tu me rejoins, timide et nu, une main masquant maladroitement ton érection. Tu me prends dans tes bras et tu me colles contre toi. Nous nous respirons un long moment puis, nous nous souhaitons une bonne nuit en nous promettant de ne pas faire cas de nos sexes écrasés, seuls ersatz de notre vérité.