petites morts sans importance
&
poésie de supermarché

 

 

storm in a cup of tea

 

 

Quelques mots murmurés à l'oreille comme un au revoir coupable. Pour effacer les années de lutte quand l'amour se résumait à un combat, au défit permanent de ne pas être celui qui baisserait le premier la garde. La prétention que l'un n'était rien de plus que ce que l'autre voulait lui céder. Nous étions jeunes, le corps alerte, débordant d'une énergie qu'aucune règle ne parvenait à dompter et dans une course effrénée nous nous pressions vers demain ignorant que demain signait notre fin. Nous n'étions pas insouciants, nous étions en vie, avides de chaque seconde d'une existence qu'il nous fallait célébrer sans compter, puisque le festin n'est potable que dans son excès, depuis les réveils brumeux aux nuits étincelantes quand le plus sordide des caniveaux nous apparaissait dans la magnificence. Combien de chutes, combien de faux pas, d'impasses sans jamais douter que le meilleur restait à venir. Avec l'orgueil de ne jamais rien lâcher de cette peur de se perdre

Quelques mots soufflés à l'oreille comme un dernier espoir. Une formule magique pour conjurer l'évidence de ce corps qui nous quitte, l'aveu si longtemps refusé dans la crainte qu'il ne serait pas partagé, qu'il forcerait au départ cet autre, indispensable au point d'en faire son meilleur ennemi, un compagnon de tranchées dans une guerre du silence que rompaient nos souffles courts à l'heure des peaux nues. Dans l'opaque de tes yeux vides, je contemple le chemin parcouru et je nous conjugue à l'imparfait. Demain ne sera plus qu'hier, un futur décomposé. Une dernière fois, je m'allonge à tes côtés, je prends ta main que j'ai évitée si longtemps et collées contre ta joue froide, mes lèvres te murmurent mon pardon. Je comprends l'absolu dont ton départ me prive dans cet ultime rendez-vous manqué. Tu m'as appris à aimer. Trop tard.