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petites morts sans importance & poésie de supermarché
toute la vérité
Voilà, c’est fait : je suis devenu un mensonge jusque pour moi-même. Et en écrivant cela, je doute même de la sincérité de mon propos, c’est dire si j’y suis trempé jusqu’au cou.
Je ne me souviens plus du moment précis où cela a basculé. D’ailleurs, ce simple questionnement est la preuve même de ma fourberie. Il laisserait entendre que j’ai été un jour du bon côté d’où m’aurait arraché un terrible événement qui justifierait à lui seul mon vice.
Mais existe-t-il seulement une vérité ? Notre perception de la réalité n’est-elle pas le simple fait du point de vue d’où l’on se situe ? Suis-je condamnable de choisir ma position en fonction de la description que je souhaiterais faire de la situation ?
Et laquelle des deux est la plus coupable, la bouche qui délivre sa prose ou l’oreille qui en fait un poème ?
Raconter une pierre n’a rien de captivant : décrire sa forme, estimer son poids, évaluer sa matière… Quand bien même il ne manquerait aucun détail, quelle attention y porteriez-vous ? Mais si j’insinuais que cette pierre présente les restes d’une tache rouge, jusqu’où écririez-vous alors l’histoire ?
La quête de l’émotion a enfanté le mensonge, elle s’en nourrit, s’en pare et l’exhibe comme un paon toute roue dehors pour le plaisir de spectateurs incapables de jouir du présent ou de rêver l’avenir ailleurs que dans la chimère.
Je l’avoue donc sans rougir : je suis un menteur, un vendeur d’histoires auxquelles vous n’avez d’autre choix que d’y croire pour vous extraire de la médiocre réalité à laquelle la bienséance vous a condamnés. Et ce n’est pas mon mensonge que vous condamnez mais le simple fait de vous êtes fait prendre la main dans le sac des fantasmes que vous m’achetez, proxénètes de ma loghorrée.


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